L’hibiscus

Se sacrifier pour le bonheur d’autrui

par Carole Braéckman

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Vous avez le devoir de vivre d’abord votre vie.
Personne ne mérite que vous vous sacrifiez pour lui/elle. Personne !

Voici la copie d’un mél que j’ai adressé, il y a quelques années, à une de mes interlocutrices (qui m’autorise à le reproduire pour vous). Elle se demandait si elle n’aurait pas dû rester auprès du père de son enfant. Elle était amoureuse de quelqu’un d’autre. Et n’avait aucune joie à rester près de ce compagnon-là.
Ce que je lui disais à l’époque, concerne la vie de couple, mais vous pouvez rapporter cela à tout autre domaine : amical, familial, professionnel…

Une vie sacrifiée, même pour le bonheur des autres, est une vie sacrifiée.
Quand Dieu, ou la Vie, comme tu veux, crée une fleur, ce n’est pas pour qu’elle se retienne de sentir bon, de peur que son parfum incommode son voisin. D’ailleurs, ce n’est pas une interrogation de fleur !! Une fleur s’épanouit de toute son âme, de tout son être, sans réfléchir. Pour notre plus grand bonheur...
Quand une fleur s’épanouit, tout l’univers respire le souffle cosmique, "le monde entier se révèle" dit Zenrin Kushu.
Quand (si !) une fleur se torture pour ne pas faire d’ombre à sa voisine, l’univers en est perturbé.

Il me semble que tu ne t’es simplement pas laissé pousser...

Les humain(e)s caressent des chimères, courent après des illusions.
Quand suis-je en plein accord avec tout mon être ? sans aucun frémissement de conscience ? tu sais bien, les grésillements ténus qui te signalent que tu es en train de te planter, grésillements que tu feins de ne pas entendre, que tu gommes, surtout si tu es ou te penses amoureuse...
Quand tout mon être est présent à l’instant, que je suis dans la joie, je joue ma partition juste, et je participe à la symphonie, sans couac. C’est là que l’ego se dissout.

Quand tu vas bien, je respire mieux. Et tout ton entourage aussi... Quand tu t’épanouis, tu donnes la permission implicite au monde entier de s’épanouir... Tu nous donnes ton La. Après à chacun(e) de trouver son propre diapason, pour pousser sa chanson. Et nous donner son propre La.
Certain(e)s passent leur vie sans trouver leur partition, et accusent les autres, ou le Destin, de n’avoir pu chanter... Nous sommes tous et toutes responsables de trouver notre mélodie. Les autres nous aident à caler notre propre La, mais en aucun cas, nous ne pouvons leur chiper leur partition... Enfin, si, on peut tricher et zieuter sur celle du voisin, ou faire semblant de ne pas savoir notre musique, mais la symphonie ne sera pas complète sans nous... "Une vie pour rien"

C’est ce que je pense.
Pratique, donne des soins, joue avec les couleurs, chante ou joue de la trompette... et tout vit pleinement autour de toi... En tout cas, tu joues ta part...

Ce que je n’ai pas ajouté, mais que je dis souvent dans ces cas-là, c’est que même pour le compagnon, la compagne, l’ami(e), cette désertion peut être salutaire (oui, vous avez bien lu !).
Elle l’oblige, en effet, à se questionner sur sa vie, le sens à lui donner… A de très rares exceptions près, j’en connais malheureusement, elle est un formidable moteur de changement ! un fracas dans ce qui ressemble parfois, hélas ! à un ronron dénué de Vie !

On hésite parfois à « laisser tomber » une personne négative, ou en dépression. Peur qu’elle ne sombre, sans notre présence.
Si cette personne ne prend aucune mesure, pour sortir de sa dépression, si ce n’est déverser son pessimisme sur vous, il peut être salutaire, voire vital, de la planter là ! Pour vous, déjà, qui vous engluez dans son marasme, sans pouvoir l’aider. Au total, cela fait deux anéanti(e)s au lieu d’un(e). Il n’y a pas d’avance, vous en conviendrez !!

Mais même pour la personne en question !
Car, délaisser un(e) ronchon(ne), un(e) pessimiste l’oblige à regarder son théâtre autrement. C’est parfois le seul moyen, je dis bien, le seul ! de l’aider à bouger. Car finalement votre sollicitude l’enferme ou, plus exactement, lui permet de s’enfermer, et le/la conforte dans son enfermement…
Votre abandon le/la force à chercher un autre positionnement. Alors, soit il/elle trouvera une autre oreille compatissante, soit il/elle trouvera un tout autre rôle et prendra sa vie, enfin, en main.
J’en ai vu, moi la première, que leur soudaine solitude réveillait enfin ! « Au fait, au lieu de m’apitoyer, qu’est-ce que je pourrais faire de ma vie ?!! »
Une de mes amies du temps jadis disait que son ex-mari avait tant changé, après leur séparation, qu’elle l’aurait bien ré-épousé.
Et moi : « et pourquoi pas ? » !! Après tout pourquoi ne pas reconnaître à l’autre sa capacité de changement !

N’ayez pas peur de vos extravagances. Veillez juste à être au plus près de votre vérité. Toujours.

On hésite aussi souvent à quitter un mari/une femme, un compagnon, une compagne, par peur de faire du mal à nos enfants. C’est un très mauvais calcul !
Rappelez-vous que donner votre La, jouer votre partition dans la joie, est ce que vous pouvez faire de mieux pour le monde, à commencer par vos propres enfants !
Et puis, demandez-vous ce que vous voulez léguer comme exemple à ces mêmes enfants ? Lorsque je demande à des hésitant(e)s : « Avez-vous envie que vos propres enfants vivent, eux-mêmes, une vie de sacrifice ? » Evidemment, toujours, la réponse est un NON ferme et offusqué !! Alors pourquoi tolérez-vous, pour vous, ce que vous ne souhaiteriez pas pour vos proches, en sachant, de surcroît, que vous êtes en train de donner le mauvais exemple !!
Dans un couple qui ne va pas bien, les enfants ne vont pas bien ! dans un couple séparé ou divorcé, ils ont une chance de s’en sortir.
Et ne croyez pas que tenir secrètes vos dissensions de couple, a la moindre chance d’illusionner vos enfants !! ils ont des antennes ! et c’est alors pire, car ils se sentent coupables !!

Tentez donc de leur donner toujours le bon exemple. Rappelez-vous ! : toujours au plus près de votre vérité !! de votre joie !!!

©Carole Braéckman – www.lhibiscus.fr – mai 08

J’ai découvert dans un roman récent Juste avant l’Oubli de Alice Zeniter - dont je me suis régalée ! - une subtile peinture de l’emprisonnement où conduit le sacrifice. Emprisonnement... des personnes pour lesquelles on se sacrifie. Mais oui !
En voici un extrait éclairant :


Petits arrangements avec la morale
Accepter de suivre Émilie à Cambridge était un sacrifice de la part de Franck, mais de ceux dont il pouvait tirer avantage. Émilie s’endettait envers lui. Pour elle, il abandonnait un pays, une langue, un travail et tout ce qui construit un monde personnel : les courbes connues d’une rivière, les lignes de bus, les trousseaux de clés, les visages des voisins entraperçus aux fenêtres, les horaires d’ouverture de l’épicier, la familiarité des pigeons et les noms de rues devenues les antichambres du foyer - Ramey, Duc, Vauvenargues, Cloÿs, Damrémont, La Jonquière.
Elle se devait de le rembourser d’une manière ou d’une autre. Il savait qu’elle le ferait : Émilie était foncièrement honnête.
En d’autres termes, ce qui semblait être un bouleversement de leurs plans de vie commune (Cambridge) pouvait en fait s’avérer être le meilleur moyen d’en revenir à cette vie commune (le « pour toujours », ou l’enfant) puisque Franck, en acceptant de se sacrifier, s’était également mis en situation de recevoir une compensation.
En d’autres termes encore, Franck, au moment où l’abnégation de son sacrifice l’éblouissait lui-même, élaborait plus ou moins consciemment un marché basé sur le principe du « donnant-donnant » et absolument contraire à l’essence du sacrifice.



Je vous laisse le méditer… Évidemment, ces petits arrangements ont souvent peine à émerger dans nos consciences. Nous n’en tirons pas grande fierté.
Si vous vous surprenez à vous arranger avec la morale, ne prenez pas le mors aux dents, pardonnez-vous, et... changez !


Ajout de novembre 2018.



Il est un coucou : Fidélité familiale où il est question du sacrifice d’une vie.
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Voyez enfin comment prendre soin d’un(e) proche en détresse sans vous perdre de vue...
Et enfin, imaginez que peut-être, votre protagoniste aussi trouvera dans votre rejet une opportunité d’évoluer.

Vous pouvez aussi ! consulter toute ma rubrique sur l’amour de soi.








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