L’hibiscus

Les masques

par Carole Braéckman

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Êtes-vous certain(e) d’être bien vous ? sûr(e) de ne pas jouer un rôle ? de n’être pas caché(e) derrière un masque ?
Un masque de respectabilité par exemple ? un masque, comme il faut ?

Il est différentes façons de s’étourdir, se mentir sur sa vie, il est de nombreux biais pour s’en laisser accroire. Il est de multiples manières de manquer le rendez-vous avec sa vie ! On est vraiment très doué(e) pour ce faire !!
Souvent, à notre insu, nous avançons masqué(e)s derrière des personnages qui ne sont pas nous. Hélas !
Hélas, parce que ces personnages nous bouffent une vitalité folle. Nous nous appliquons à coller aux rôles, à y être fidèle, à y faire honneur !!…
Mais c’est comme si nous étions serré(e) dans un corset ! que dis-je serré(e) ! emprisonné(e), confiné(e) dans un corset, dont les armatures nous rentrent dans la peau, nous écorchent même ! Entravé(e)s, ligoté(e)s, nous serions plus à l’aise !
Sauf que ces bleus, ces plaies, peuvent demeurer invisibles durant des temps et des temps !
La maladie parfois nous en sort ! bienheureuse maladie (comme le titre un ouvrage) ! ou encore un « coup de foudre » peut nous conduire à douter de tout ! Ou l’arrivée d’un(e) enfant(e) peut aussi constituer une sorte de coup de théâtre salutaire ! Ou encore nous pouvons nous heurter à une formidable impasse dans laquelle nous nous sommes mis ! et qui après nous avoir fait toucher le néant, nous permet de rebondir hors du carcan. Du moins, avons-nous une chance de le faire. La saisirons-nous ? ça c’est notre histoire ! la vôtre, la mienne. C’est votre vie ! ma vie !


J’ai bien sûr, de nombreux exemples de vies masquées !
Moi, la première, quand j’étais jeune, je me la jouais intello ! j’avais vu tous les films, lu tous les livres… enfin, ceux dont on parlait ! j’étais abonnée à tous les théâtres de la métropole, à l’Opéra, à tous les concerts (enfin, classiques, et jazz), je filais à toutes les expos. J’avais même des abonnements à des musées parisiens. Je courais, je surfais, dans ce monde de l’intellect ! Et puis, un jour, j’ai saturé ! J’en ai eu marre ! et j’ai décrété que c’était fini, je cessais de me la jouer ! Je n’étais plus/pas une intellectuelle ! Stop !
Bonheur !! Délivrance !! J’ai vécu une libération intense ! je me suis sentie soulagée, et libre ! libre d’occuper mon temps et ma tête à tout et à rien ! Je m’en fichais de ne pas savoir que Machin avait sorti un nouveau film. En fait, il m’avait toujours rasé machin !! Pour de vrai !! comment avais-je pu croire le contraire ?!!
C’est qu’on y croit à nos histoires !


Dans le domaine des femmes amoureuses, je pourrais vous citer de nombreux cas ! vous savez bien que, culturellement, jusqu’alors, les femmes n’étaient pas censées avoir une vie pour elles. Alors, ma foi, l’amour est une excellente façon de pimenter sa vie ! C’est mieux que « bobonne à la maison », non ? Le rôle de l’amoureuse est un rôle licite pour les femmes, plus en tout cas, que ne l’était, jusqu’alors, le rôle de cheffe d’entreprise, ou de femme politique. Alors, nombreuses sont les femmes qui ont foncé dans cette direction tacitement autorisée !

Telle se la joue amoureuse, donc. Elle est arrivée, complètement déboussolée, dans mon cabinet !
Rien n’allait plus : elle venait de quitter son amoureux malsain. Pervers manipulateur, il ne cessait de l’humilier, de la déprécier, il lui jouait des tours pendables, la bernait, lui mentait ! « Si encore c’était un Dieu au lit ! - Mais que lui trouviez-vous donc ? » Ce qu’elle lui trouvait, j’ai fini par le comprendre, à travers son récit. Elle tenait une promesse implicite faite à un père indifférent ! Mais cela est un autre conte. Elle y trouvait un rempart contre la solitude, contre elle-même, contre sa vraie vie. Il est clair, qu’après tout ce temps passé à se leurrer avec des passions, revenir à « la vraie vie » n’est pas une hypothèse qu’on envisage sereinement…
Cette femme a une soixantaine d’années, et quelques quatre ou cinq grandes passions ont jalonné sa vie amoureuse, sa vie tout court, puisqu’elle a, jusqu’alors, borné sa vie à ses amours… Alors, renoncer à son personnage de passionnée n’est pas très facile. C’est bien vrai ! Mais c’est pourtant probablement la seule jolie issue vers la vie ! vers la joie !

Telle autre, une femme toujours, coule le Grand Amour avec un homme qui la bat ! mais c’est «  l’homme de sa vie » dit-elle ! Que nous offrirait-elle si, au lieu de s’abuser avec ce scénario, elle se hasardait à regarder autour d’elle, pour découvrir d’autres hommes, d’autres histoires ? Quelle est la part d’elle, qui non seulement ne se déploie pas ! mais se juge assez minable, assez misérable, pour mériter une raclée régulière ! Quelle faute est-elle en train de payer ? à qui ? de quoi se condamne-t-elle ? Elle a maintes fois quitté sa brute égocentrique, s’est même intéressée à une thérapie ou l’autre pour s’en libérer, mais toujours, elle est revenue vers « son homme » ! Enfin, jusqu’à présent…

Vous m’accorderez que les Grands amoureux sont beaucoup plus rares ! Autant un homme est capable d’un coup de foudre pour mettre un coup de pied dans une vie trop terne, j’en connais assez peu qui volent de passion en passion comme savent si bien le faire les femmes.

Le plus souvent chez les hommes, j’ai pu observer des fuites dans des carrières.
J’en connais d’ailleurs un qui vient tout juste d’être bloqué par une maladie, en tout cas, par le diagnostic d’une probable maladie. Vous savez bloqué, comme on bloque un ballon au rugby ! Saisi contre le ventre, immobilisé, sans défense... Et OUF ! sa vie bascule ! D’homme très important, très sérieux comme le businessman du Petit Prince, le voilà soudain devenu un homme, tout simplement un homme, et comme il est attendrissant !, à apprendre, la quarantaine bien passée, à vivre sa vie ! Après quelques ruades, quelques crises de désespoir, le voilà qui prend sa vie à bras le corps, et décrète qu’il va aimer !! sa femme, sa famille, ses amis, la vie !!!

J’en connais aussi qui foncent dans l’aspect matériel : avoir de plus en plus de biens, de plus en plus de sous à la Bourse. Certain(e)s s’en rendent même malades de stress ! ce qui est un comble, puisqu’ils/elles affirment amasser quelques biens pour ne pas avoir à se préoccuper de la matérielle !


On peut fuir dans le tragique, aussi !
Certain(e)s portent toujours une tête de six pieds de long, une mine catastrophée, lugubre ! Ils/elles ont toujours une calamité à vous raconter. Soit ils/elles sont les propres acteurs/actrices du drame de leur vie, soit ils/elles focalisent sur un(e) proche, affligé (e), soit ils/elles font feu de tout bois, et s’emparent sans vergogne des malheurs des autres, se complaisant dans un bain de désastres, d’adversités, de mésaventures, d’épreuves… Vous en avez sans doute autour de vous. Peut-être même vous reconnaissez-vous partiellement ?! Totalement ?!
J’en sais un, qui, de toujours, s’est accroché au malheur de sa mère, qui avait, évidemment, eu une vie déplorable. Il vivait d’ailleurs encore chez sa mère, à près de quarante ans… Il n’arrivait pas à vivre pour lui, sa vie à lui.

Certain(e)s aussi fuient dans un pugilat avec un(e) proche. Telle, c’est sa sœur qui toute sa vie lui a mené la vie impossible et n’arrive pas à se défaire de la douleur de cette énigmatique animosité…
Telle autre qui vit également encore chez sa mère, est empêtrée dans une relation où chacun de ses gestes, chacun de ses mots, est disséqué avec malveillance… Elle sait cette relation destructrice, elle sait qu’elle devrait fuir, mais elle n’y arrive pas. Pas encore.
Je connais une autre dame dont la vie est entièrement constituée de noirceur. Pas une seule éclaircie ! De toute façon, le monde entier est ligué contre elle. Elle va de déboires en procès, en calomnies, provocations… Le monde semble conspirer contre elle… Et elle n’a bien sûr, pas une instant à elle !

Mais voilà des cas extrêmes. Votre vie n’est pas forcément aussi embourbée. Il est des fuites plus insidieuses, qui se camouflent sous des allures de normalité.

Telle mère de famille court toute la journée pour assumer sa triple vie de femme, mère et professionnelle. C’est elle qui réalise les repas, elle qui assure pour les courses, elle qui fait les conduites, elle encore qui fait le suivi et le soutien scolaire, elle qui invite les ami(e)s le week-end, qui reçoit la famille, qui tisse les liens familiaux… Sa carrière est en pointillés… elle travaille à temps partiel, se libère le mercredi (faut bien, pour les conduites !), c’est elle qui pose les jours pour enfant malade, elle qui connaît les spécialistes, pédiatres, et autres… Elle n’a pas une minute à elle…
J’en connais plusieurs sur le même modèle, et quand on leur dit : « Et du temps pour vous, vous en avez ? vous en prenez ? », elles haussent les sourcils. Bien sûr que non ! elles sont débordées. Un jour, les enfants seront grand(e)s, alors, elles aviseront à s’occuper d’elles…
Ce qui s’oublie dans l’intervalle ( !) c’est leur propre vie ! leur propre devenir, leur propre épanouissement ! Bien sûr les enfants sont une source considérable de satisfaction, mais seulement si on laisse place à la danse, à la peinture, aux claquettes, au cinéma, à l’éclosion de ses propres talents…
Interrogez-vous sérieusement. Avec authenticité. Sans mentir, vous adorez votre vie ainsi ? vous n’auriez pas mis quelques rêves de côté ? des fois ?

D’autres encore, ce n’est pas une vie de devoir, qu’ils se racontent, mais une vie musette ! Certain(e)s courent de conquête en conquête, je ne parle ici que de plaisirs, pas des passions précédemment évoquées…
D’autres, j’en ai une en tête, pratique l’esquive dans les mondanités, de cocktail, en vernissage, de fête en fête…
J’en sais plusieurs également qui sont toujours dans des travaux : toujours une baraque à retaper, un meuble à décaper…
Je n’ai rien contre le jardinage, rien non plus contre les travaux de bénédictin, tel qui enlumine sa collection de soldats de plomb, je n’ai rien du tout, au contraire contre toutes les occupations contemplatives, la seule question qui légitime tout : êtes-vous dans votre joie ? Le matin, quand vous vous réveillez, est-ce que ça jubile en vous ? « Super ! une autre journée à vivre !! » Est-ce que, tout au long de la journée, ça jubile en vous ?!


Parfois, les « détaleurs/détaleuses » ont une lueur de perspicacité, et s’avouent leur lassitude à s’éparpiller, se disperser ainsi. Puis ils/elles retournent vite fait à leur drogue.
Cela me fait vraiment penser à ces grand(e)s malades - d’Alzheimer, par exemple- qui ont, parfois, fugacement, conscience de leur état, puis replongent dans leur crise de démence ou de somnolence, le cœur chaviré.
Et bien sûr, nous en connaissons beaucoup, qui fuient dans des drogues. Rien de tel pour se rater ! Je veux dire rater le rendez-vous avec soi-même : tabac, alcool, télé…


D’autres encore se la jouent : « la vie est belle belle belle !! » A trop le proclamer, on a du mal à les croire ! J’en connais une qui n’arrête pas ! elle se la raconte comme on dit. Mais cet excessif enjouement est terrifiant, en ce qu’il cache comme désespoir. Comment je le sais ? un trois fois rien qui sonne faux. Qui décèle non de l’extatique mais du superlatif nerveux. Je connais bien cet état. Je suis passée tout près, il y a quelques années. Il provient de natures foncièrement optimistes, mais qui parfois se cachent un mal-être derrière cette surenchère.
Cet état peut aussi toucher de nombreux/nombreuses perfectionnistes, qui rechignent à s’avouer planté(e)s sur le bord de la vie et se la font accroire. Cela peut être par périodes… ou carrément du temps complet !


On peut se narrer différents scénarios successivement, ou, quand on est fortiche !, simultanément…
Telle jeune femme de ma connaissance cumule avec brio ! elle court de stage en stage, se défonce au boulot, où elle est en conflit avec quasi toute son entreprise, une très grosse boîte pourtant !, trouve le temps de se chamailler avec sa famille, et de râler sur les hommes qui ne s’engagent pas !!
La vie pourrait pourtant être moins hargneuse, moins conflictuelle, plus douce, plus joueuse…

Ne croyez surtout pas que je condamne vos différents camouflages Non, j’ai moi-même, trop traîné sous des artifices, pour me permettre de le faire.
Car, je sais, pour l’avoir vécu personnellement, pour l’avoir observé chez vous avec émerveillement, que le dépouillement est joyeux, que l’abandon des attifements mène à la force de vie ! et à la joie !! Et j’ai juste hâte de vous voir saisir votre vie, la danser, la tourbillonner ! la chanter à tue-tête ! la cabrioler !
Et c’est possible ! Je vous le promets .



©Carole Braéckman – www.lhibiscus.fr - novembre 09


Voyez aussi comment vous pouvez vous enfermer, vous laissez enfermer sous des étiquettes, qui vous façonnent à votre insu.
J’ai écrit un développement sur les tragédien(ne)s.








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De petites vitamines épicées :-) à butiner au hasard.

 

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